Par Kaouther Khlifi
Short movie ‘’Human’’ directed by Eya Belhaj Rhouma
La première scène du film, qui ouvre en contre-plongée, occulte l’objet regardé en faveur des personnages regardants et attise une curiosité qu’on pourrait déjà qualifier de malsaine. C’est, du moins, ce qu’alimentent les traits des protagonistes, par leur expression salace, baveuse, libidineuse, l’allumette entre les lèvres, annonçant une combustibilité imminente.
C’est ainsi que Eya Belhaj Rhouma introduit ‘’Human’’, un court métrage de 6 minutes 46 secondes qui mise sur l’attente déjouée ou le porte-à-faux; le dispositif étant ce qui se rapproche le plus de ce grand malentendu qui veut que l’humain soit le plus anobli d’entre les créatures.
Fin de la contre-plongée, début de la déconstruction et, peut-être, de la remise en question, principal propos du film. L’objet de la convoitise remplit maintenant l’écran comme il va, ensuite, aller remplir les ventres des hommes. On gloutonne, on dévore, on engloutit. Mains et bouches sont dans la chair et dans les sucs. Toutes dehors, les dents lacèrent et toutes pendues, les langues déglutissent à plein régime et la caméra avec, à se demander si l’on n’est pas soudain parachuté dans un délire de food porn.
Transition du ventre vers le bas-ventre et quel besoin assouvi n’ouvre pas alors la voie à un autre. Après la bouffe, la femme, les animaux vous le diront : on mange d’abord, on se reproduit après. Ici, faut-il s’arrêter un moment sur les personnages, leurs corpulences, leurs bides saillants, leurs lèvres dégoulinantes, leurs regards globuleux, leur rassasiement primaire et leurs marcels de sauce tachés. S’ils sont frères, comme Abel et Caen ? Rien ne nous le dit mais, le voyez-vous, le raccord avec l’avant-première scène ? Les revoyez-vous, ces charognards, la tête dans les carcasses mortes ? Faut-il, surtout, ne pas oublier de scruter l’arrière-plan et de composer avec ce troisième homme en retrait, dans la gêne et jusque-là dans l’inaction, mais dont la tourmente présage d’un tournant dans l’intrigue?
C’est la femme, que les deux premiers vont se disputer sans s’embarrasser, qui va enfin donner toute son épaisseur à ce troisième homme qu’un certain parti pris lui a choisi le tee-shirt immaculé, la boucle à l’oreille et la silhouette frêle. Le contraste avec une certaine masculinité marquée n’aurait-il pas pu être marqué autrement ? Quoi qu’il en soit, c’est finalement lui qui va réussir à casser la suprématie numéraire du mal sur le bien dans une scène de transition qui va un peu nous faire perdre le contrôle sur le déroulé de l’histoire, comme il aura perdu le contrôle sur sa faiblesse. Et quel catalyseur, cette femme, capable de bomber le torse quand la nature ne le fait pas !La proie est dans la soie.
Dans une forêt au loin, nos deux colosses sont maintenant neutralisés, ligotés dos à dos à même la terre, désemparés et mis à mort ; le crime n’est pas là où on l’attendait. Le mal, annihilé par une remise en ordre sur procès d’intention, nous amène ainsi à nous interroger sur les ressorts de ce qui est communément appelé le bien.

