Par Kaouther Khlifi
Court-métrage ‘’Lumières Invisibles’’ réalisé par Wiem Rebah
L’oxymore qui titre le film ‘’Lumières Invisibles’’ inaugure le côté antithétique de l’œuvre. De l’œuvre vidéo, doit-on dire ou du film expérimental qui, ici, se propose comme un négatif a priori peu confortable au commun des regards?
Pour tenter d’y répondre, nous allons entrer par le petit cercle de lumière qui nous est proposé, dès le premier plan, dans l’univers de la régie théâtrale, dans le pré-spectacle, dans l’ante-spectacle, dans tout ce qui n’est pas encore spectacle et qui va pourtant se donner à voir à nous et à se mettre en sons et en images. Comme une étincelle.
On ne sait pas s’il serait juste de dire de ce film de 4 minutes et demie qu’il est brut. Bien qu’il s’agisse d’une installation de décors, nous restons dans le rude. Le spectacle, lui, le vrai, le beau n’est pas pour nous.
Entre temps, le film nous happe comme dans un vortex sonore qui nous fait nous demander si la rythmique est négligée, étudiée ou négligée-étudiée ? Le montage, rapide et saccadé, vient confirmer l’intention immersive qui veut nous rendre spectateurs de ce qui n’est pourtant pas spectacle. Ou pas encore. Sur un registre plus grave, nous pouvons parler d’appréhension du monde du travail par le cinéma, sans être dans une quelconque dénonciation. Nous pouvons parler des oubliés de l’affiche. Ici, la régie et l’ensemble des activités de coordination technique et organisationnelle qu’elle implique donne à voir des corps qui bougent, des épaules qui portent, des mains qui s’affairent… ; des hommes dotés d’outils en extension corporelle, sans visages, sans langage, anonymisés. Dans ce noir et blanc, dans cet entre chien et loup, le film se déploie comme un moment de suspension dans le temps, comme une rupture de style qui met la gêne et le plaisir sur le fil du rasoir.
Dans cette proposition signée Wiem Rebah, les premiers récepteurs des lumières restent pourtant dans le silence, le leur. Dans l’ombre. Seul le grincement d’une grue répond aux nuisances d’une perceuse. Seul le tapage d’un marteau rétorque au vacarme d’une meule. Le carton de la fin du film précise qu’aucun instrument n’a été de la partie (faut-il dire de la partition) et que tout a été travaillé par bruitages traités. Peut-on accueillir ‘’Lumières Invisibles’’ comme un film hommage qui ne dit pas son nom ? Peut-être.

