Par Abdessalem Chaabane
Court-métrage « La voie du retour » réalisé par Mohamed Yassine Zairi
Dès les premières images, on retrouve ce à quoi nous ont habitués les films issus des écoles : une maîtrise technique soignée, une image léchée, un son travaillé et un montage précis. Cette exigence formelle donne naissance à un objet visuel esthétique, traversé par une certaine originalité.
Mais la véritable force du film dépasse la simple virtuosité technique. Elle réside dans la densité de son contenu et la qualité de son approche dramatique. Zairi s’attaque à un sujet sensible, encore dérangeant dans nos sociétés : la question des personnes transgenres et de leur acceptation au sein du cercle familial. Comment aborder un tel thème sans tomber dans les clichés ? Jusqu’où le réalisateur parvient-il à s’en affranchir ?
La réponse se trouve dans la richesse du personnage principal, un être complexe – de retour après une longue absence – dont la relation avec le père constitue la colonne vertébrale du récit. Le spectateur assiste à une série de tentatives pour renouer le lien, pour rallumer la flamme d’une tendresse filiale. Mais derrière les gestes d’apaisement affleure une tension sourde. Puis, soudain, tout bascule : un rire machiavélique précède un geste violent, une tentative d’étranglement qui surgit comme un éclair, plutôt pulsionnelle que préméditée.
Cette explosion de colère trouve un écho dans un souvenir : un objet du passé, arme des violences paternelles, réapparaît à l’écran. Et, dans une fulgurance sonore, la voix dure du père resurgit comme une blessure jamais refermée. Ici, le film atteint sa force : explorer, par petites touches, les cicatrices d’une relation gangrenée par la brutalité et le silence.
En réduisant le père à l’impuissance – cloué, muet, incapable de réagir –, le récit crée un déséquilibre total. L’enfant devenu adulte parle, accuse, se libère, tandis que le père, autrefois tout-puissant, se tait. Ce choix narratif épouse la subjectivité du personnage principal, son désir d’inverser le rapport de force, de prendre enfin la parole dans une relation qui n’a jamais cessé d’être asymétrique.
Avec ce personnage nuancé, porté par une mise en scène tendue et une écriture qui refuse la facilité, Habl El-Sorra s’impose comme une proposition forte, humaine et dérangeante. Et l’on se surprend à se poser une dernière question : ce film marque-t-il un tournant pour les films d’écoles ? Peut-être bien.

